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Mairie de Vert-en-Drouais (28)
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La Pyramide

Jean-Rodolphe Perronet

cliquer sur la photo Carte de Cassini 1744

cliquer sur la photo Carte de Trudaine 1780

cliquer sur la photo Plan Cadastral 1829

pour agrandir les photos cliquer dessus

LOUVILLIERS EN DROUAIS : LA PYRAMIDE
26 DÉCEMBRE 2016
Rédigé par Bernard Louis Hémery et publié depuis Overblog
Cet article a été publié initiale mentdans le cahier n° XXVI (2e semestre 2009)
DE LA SOCIÉTÉE DES AMIS DU MUSÉE
DES ARCHIVES ET DE LA BIBLIOTHÈQUE DE DREUX
Auteur Georges VOGT

Lorsque l’on parcourt la RN 12, route de Paris à Brest, à quelques kilomètres après Dreux, en direction de SaintRémy-sur-Avre et au croisement du chemin allant de Louvilliers-en-Drouais à Vert-en-Drouais, par l’ancienne commanderie de la Moufle, il existe sur la gauche un petit obélisque couramment appelé « pyramide ».

Ce petit monument consiste en :

  • un piédestal, sans base apparente, formé d’un dé de section rectangulaire de 1,935 m par 1,29 m et de 1,35 m. de hauteur ; le grand côté possède une table de 1,555 m. sur 0,935 m, et de 0,02 m de saillie, vraisemblablement destiné à recevoir une inscription. Le grand côté est parallèle à la route, donc orienté au Nord. Le petit côté possède aussi une table de 0,915 m sur 0,935 m. Le piédestal se termine par une petite corniche de 0,155 m de hauteur, il a donc 1,405 m de hauteur,
  • au dessus de celui-ci se trouve la base de la pyramide, de 0,395 m,
  • la pyramide a une base de 1,63 m sur 0,99 m, sa hauteur est de 3,54 m ; elle est tronquée. Le sommet se termine par un rectangle de 0,69 m par 0,51 m. Près de celui-ci, sur le côté nord, l’on remarque un creux d’environ 0,70 m sur 0,80 m. La pyramide est formée de 11 lits de pierres taillées d’une moyenne de 0,32 m.

La hauteur totale du monument est donc d’environ 5,14 m.

À l’angle gauche de la table du côté nord et à 0,37 m du sol se trouve un repère du Nivellement Général de la France qui indique l’altitude de 136,66 m. La pyramide repose donc actuellement sur un sol à 99,66 m. au dessus du niveau de la mer.

Construction
La pyramide fut construite sous le règne de Louis XV, alors que Lallemant de Lévignen était l’Intendant de la Généralité d’Alençon (de 1726 à 1766). Très fier d’avoir fait refaire la route de Bretagne, qui traversait sa Généralité, il voulait ainsi marquer le souvenir de cette réfection à l’entrée dans la généralité, comme il l’a fait à la sortie, au Gué David entre La Lacelle et Pré-en-Pail. Une pyramide plus importante a été élevée à Alençon le chef-lieu de la généralité.

Les travaux ont été confiés à J.-R. Perronet l’ingénieur de la généralité, né à Suresnes le 27 octobre 1708, fils d’un garde suisse. Il entre à 17 ans comme apprenti architecte dans le cabinet de Jean de Beausire, premier architecte de la ville de Paris. En 1735, il est nommé sous-ingénieur des Ponts et Chaussées à Alençon et devient ingénieur de la généralité d’Alençon en 1737 ; c’est à cette époque qu’il entreprend la réfection de la voie royale de Paris à Brest et qu’il réalise la pyramide de Dreux. D’après le dessin qu’en a fait Odolant Desnos(1) en 1738, le monument possédait une base invisible aujourd’hui ; la pyramide était également plus haute et était surmontée d’une fleur de lys, probablement en métal et dorée comme celle qui se trouvait sur la pyramide d’Alençon.

Avec son croquis de la Pyramide, Desnos a reproduit l’inscription qu’elle devait porter (il semble la situer sur la table du côté nord) :

Regnante Ludovico
Feliciter et gloriose
Mons et collis humiliabitur
Et erunt prava in directa et aspera
In vias planas

 ce sont les versets 4 et 5 du chapitre III, dont la traduction est :

« Toute vallée sera comblée,
Toute montagne et toute colline
Seront abaissées ».

Cela fait allusion, avec beaucoup d’exagération certes, aux travaux de reprofilage et de rempierrage de cette route, qui participaient aux grands travaux routiers entrepris dans toute la France sous Louis XV ; de nombreuses pyramides furent alors construites jalonnant ces routes, mais beaucoup ont disparu depuis.

La Pyramide devait avoir, en plus des dimensions actuelles, une base de 0,39 m de hauteur, le sommet disparu de 1,10 m ; elle devait donc avoir 6,63 m de hauteur sans compter la fleur de lys qui était approximativement de 1,30 m, soit en tout 7,93 m, environ près de 8 m.

L’élégance du monument, de style assez classique, montre qu’en plus de ses qualités d’ingénieur Perronet avait une formation d’architecte.

Étant donné sa hauteur, la pyramide était visible de fort loin et était donc un bon point de repère, marquant la rencontre des généralités d’Alençon (Élection de Verneuil) et de Paris (Élection de Dreux).

C’est sans doute pourquoi elle a mérité d’être indiquée sur toutes les cartes depuis celle de Trudaine (1780), de Cassini, d’État Major, de l’IGN série bleue au 25.000 (2015 est), et Michelin au 1/200.000e.

Son constructeur Jean-Rodolphe Perronet, est nommé en 1747 à la direction du Bureau des dessinateurs du Roi, que vient de créer Daniel-Charles de Trudaine, pour lever les cartes et les plans du royaume. Il a pour missions de former des ingénieurs et d’en contrôler l’activité dans les généralités où ils sont employés. Le Bureau des dessinateurs du roi devient le Bureau des élèves des Ponts et Chaussées, puis en 1775 l’École des Ponts et Chaussées, dont il devient le directeur. Il est un organisateur modèle et sa pédagogie mutualiste semble aujourd’hui très contemporaine.

Il est nommé premier ingénieur du roi en 1763, devient membre associé de l’Académie des sciences en 1765 ; il réalise de nombreux ponts avec une technique nouvelle ; il crée le canal de Bourgogne ; il écrit des articles pour l’Encyclopédie sous la direction de Diderot et d’Alembert. Ses mérites sont unanimement reconnus puisque le roi Louis XV l’anoblit en 1763 et lui remet l’ordre de Saint-Michel ; la Révolution le reconnaît également, puisque l’Assemblée constituante lui attribue, en 1791, une rente de 22 600 livres, « à raison de ses longs et excellents services ».

Il décède à Paris le 27 février 1794.

Situation de la pyramide

Si la situation de la pyramide par rapport aux limites des généralités était bien définie, elle ne l’était pas vraiment par rapport aux paroisses.

Or dès 1665 un projet de découpage, du territoire national en départements était soumis au roi, par Marc-René d’Argenson. Le découpage hérité de la féodalité, était inextricable et un frein pour les services dont la compétence s’étendait sur une province ou mieux sur tout le royaume ; le nouveau découpage était limité aux services fiscaux et aux Ponts et Chaussées.

Il a fallu attendre le siècle suivant pour qu’enfin la départementalisation de la France soit à nouveau envisagée. C’est vraisemblablement lors de la création des départements, dont les limites ont été difficiles à établir, que la Pyramide a servi, de point de repère.

Les limites floues des paroisses ont dû être adaptées aux futures communes, ce qui a créé de très nombreux conflits, elles ont donc fluctué aux grès d’interminables discussions, c’est pourquoi il a été demandé l’arpentage des limites de la paroisse de Vert-en-Drouais, lequel a été réalisé le 14 octobre 1788.

Un autre document émanant vraisemblablement du service des Ponts et Chaussées, signale la présence de la pyramide, comme le montre le rapport ci-dessous, dont le passage reproduit est souligné :
Tournant à gauche vers Sud-est, nous avons suivi la ditte grande Route de Bretagne, jusqu’à la sente du Bois à Binet, passant par la pyramide, laquelle est entre la généralité de Paris, et celle d’Alençon, près la quarante quatrième borne millière, …

Enfin, une lettre du 19 juin 1789 de Paris révèle l’importance que l’Administration attache à ce problème :

J’ai reçu, dans son tems, Monsieur et Cher Confrère, la lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire relativement à l’incertitude dans laquelle étoient les Ingénieurs de votre généralité sur la province à laquelle devoit appartenir le terrein ou est placée la Piramide de Dreux, et qui paroit y avoir été construite pour fixer les limites de votre Généralité et de celle d’Alençon.

Il m’a paru jusqu’à présent impossible, malgré les éclaircissements que j’ai cru devoir me procurer sur cet objet tant de votre part, Monsieur et cher Confrère, que celle de M. l’Intendant d’Alençon de pouvoir constater positivement la vraie limite des deux Généralités, sur laquelle les Ingénieurs ne sont pas encore d’accord.

Pour parvenir à lever toute espèce de doute à cet égard, j’ai pensé, Monsieur et cher Confrère, qu’il conviendroit de faire lever par les deux Sous-Ingénieurs des départements de Dreux et de Verneuil, le plan exacte de cette limite, et comme cette opération exigera une connoissance parfaite du Dixmage qui seul constitue essentiellement la circonscription des Paroisses, il m’a paru nécessaire de faire guider les deux Sous-Ingénieurs par les Subdélégués de Dreux et de Verneuil dans la reconnoissance des Dixmages. Je vous prierai en conséquence, Monsieur et cher Confrère, de vouloir bien donner à votre Subdélégué de Dreux les ordres que vous jugeré nécessaires à cet effet ; pour que le service dont sont chargé les deux Sous-Ingénieurs ne souffre pas de ce travail extraordinaire, j’ai cru devoir les faire aider par un élève des Ponts et Chaussées. Le sieur Bellevard vient d’être nommé à cet effet et a ordre de partir incessamment. Je joins icy une copie de l’instruction que j’ai fait remettre à cet élève. Je vous prierai de vouloir bien la faire remettre au Sous-Ingénieur du département de Dreux pour le mettre en état de diriger le sieur Belleval dans son travail.

J’ai l’honneur d’être …

 La Pyramide était située pour certaines personnes, jusqu’à ces derniers temps, sur le territoire de Vert-en-Drouais Il semble maintenant établi qu’elle appartient à la commune de Louvilliers-en-Drouais sur la parcelle triangulaire dite « Pointe de la Pyramide » limitée par la route départementale 3114, la nationale 12 et le chemin allant de la Détourbe au 3114.

La Révolution

La Révolution, supprimant tout ce qui rappelait l’Ancien Régime, a fait disparaître là l’inscription en l’honneur de Louis XV, très élogieuse car il venait de remporter la paix par le traité de Vienne, qui donnait la Lorraine à la France. La fleur de lys a peut-être été abattue par ces mêmes Bretons qui, passant le 8 septembre 1792 à Alençon, avaient « découronné et dépouillé de son inscription » la pyramide de cette ville. La fleur de lys sans doute, bien scellée dans la pierre du sommet a entraîné celle-ci dans sa chute, réduisant sensiblement la hauteur de la pyramide. Cette hypothèse a été confirmée par le constat que nous avons pu faire grâce à l’obligeance de M. Paul Lamé, conseiller municipal et ancien maire de Louvilliers-en-Drouais, par les moyens mis à notre disposition pour monter sur la pyramide.

Passages de souverains

Le premier des passages royaux connus fut celui du roi Louis XVI lorsqu’il se rendit, le 21 juin 1788, au château de Harcourt.

Le passage, qui donna lieu à de nombreuses légendes, fut celui de l’Empereur Napoléon 1er et de l’Impératrice Marie-Louise, le 22 mai 1811, allant à Cherbourg pour inspecter les travaux du port et des fortifications. Un arc de triomphe avait été élevé aux ponts Saint-Jean. Salves, sonneries de cloches, pavoisement et illuminations étaient prévus. On avait espéré que l’Empereur s’arrêterait à Dreux pour y déjeuner. Hélas, arrivé à Dreux vers 8 heures, il ne fit qu’une halte d’une heure. Le maire présenta les clés de la ville au souverain qui déclara : « elles sont entre de bonnes mains, gardez-les ! ». Leurs Majestés partirent aussitôt, à la grande déception des Drouais et elles s’arrêtèrent quelques kilomètres plus loin après le hameau des Fenots, par un temps splendide, où elles déjeunèrent en plein air.

 Monsieur Lelièvre fait un sort aux différentes légendes : « Après ce passage remarqué, plusieurs Drouais ont eu pour idée de bâtir une pyramide à l’endroit du pique-nique. Certains en ont même fait le croquis ! D’où la confusion : entre une pyramide que l’on veut bâtir à l’endroit précis de l’arrêt impérial et une pyramide déjà construite à quelques centaines de mètres, il y a quelques encablures vite franchies ! Certains les ont franchies à vive allure ».

Le 30 juillet 1830, le roi Charles X, déchu, part de Neuilly pour l’exil, il arrive à Rambouillet le 3 août à 10 heures, puis pour Maintenon, où il arrive le 4 août ; de là il va à Dreux, passe devant la pyramide et arrive le 5 août à Verneuil pour y coucher. Continuant, il arrive le 16 à Cherbourg, où il embarque ainsi que sa suite sur deux navires américains pour l’Angleterre.

Derniers travaux

En 1939 le monument est en fort mauvais état, si bien qu’il est l’objet d’une légère restauration, selon le récit de l’architecte Édouard Dupuis :

« … la restauration entreprise implique, comme d’ordinaire, de gros frais que la paroisse ne peut supporter seule. Cette paroisse, dont on sait en termes précis qu’au xiiie siècle, elle comptait seulement dix-huit paroissiens, progressa et en 1821 comptait 175 habitants ; mais depuis la population diminue, elle est de 145 habitants en 1836, puis de 128 en 1856, 90 en 1885, une cinquantaine en 1938 et 179 en 1990. Il y a donc lieu de féliciter ceux qui ont osé entreprendre quand même une restauration qui, de prime abord, s’avérait impossible ».

Enfin en 1976, dernière des tribulations ; la circulation automobile ayant fortement augmenté, la route est portée à quatre voies, son nouveau tracé passe à l’emplacement de la pyramide. Comme il n’était pas question de détruire ce témoin du passé, comme cela avait hélas déjà été fait en maints endroits, il a donc été prévu de la déplacer. Mais Christian Raux, l’ingénieur de la DDE, ayant évalué la dépense du démontage comme du remontage, a préféré légèrement modifier le tracé de la voie pour éviter la pyramide, la laissant ainsi à sa place.

Quelques années plus tard lors d’autres travaux il a fait effectuer les rejointoiements, lui donnant ainsi un air de jeunesse.

(1) Dictionnaire géographique du département de l’Orne t. IV p. 801 Archives départementales de l’Orne).

Georges Vogt

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